Enrichir son vocabulaire et le transmettre à ses enfants, un acte d’amour

Tiens, un truc que je déteste, c’est cette manie qu’ont les hommes à la reuchcalbonite. Moi, dès qu’il ne reste plus qu’un cran je m’affole et je passe en mode recherche de station service, mais eux non, ils restent décontractés et attendent le dernier moment.

Ce qui est marrant, c’est l’autre jour, quand une davernude a débarqué et moi je faisais tout pour ne pas avoir à dire son prénom tu comprends… Puis ça m’est revenu. Enfin je l’ai cru. Et là l’horreur : la chougrida. Donc moi péteuse, je dis « ah oui euh pardon, j’ai pas la mémoire des noms » (autant passer pour une noob que pour une snob).

J’adore ma mère lorsqu’elle arrive à une gare de péage sur l’autoroute. Généralement le zoupard est d’un bon mètre, alors faut carrément qu’elle ouvre la portière.

Une des plus grosses hontes dans ma vie, c’est quand j’ai offert un cadeau de fête des pères à mon papa et y’avait encore la plute, surtout que c’était ousse-plute

Ce que je déteste, c’est être placée en bout de table, c’est la rambe assurée ! Heureusement que le Mâle recegit donc au moins mon verre n’est jamais vide. Il vrute aussi.

Je déteste les espégécas, ça fait perdre du temps. Par contre j’aime bien jubjoter.

J’ai acheté une vertiglia et j’ai vertiglié le ticket de caisse donc je suis bien emmerdée.

Avec 4 chats, le priadour est long…

Est-ce que tu es du genre à tacoubanasser ? C’est une sacrée infortune quand même !

Explication

Non je n’ai pas vidé la bouteille de Calvados ramenée de Normandie par mes beaup. En fait, les mots en gras sont tous issus du Dictionnaire des tracas Le Baleinié, rédigé par Christine Murillo, Jean-Claude Leguay et Grégoire Oestermann.

Les auteurs ont inventé des mots pour décrire quelques difficultés que l’on peut rencontrer au quotidien. Des mots inventés, des mots qu’on ne retrouvera probablement jamais dans les dictionnaires « officiels », mais des mots dont les explications font sourire, voire glousser.

Par exemple, une davernude est « une personne qui vous embrasse comme du bon pain et dont vous êtes incapables de vous souvenir du nom« , et la chougrida, c’est « une personne dont on se souvient du nom, on le claironne, mais ce n’est pas le bon« .

La valvarope est « une chemise encore humide qu’on doit enfiler« , quant au zoupard, c’est la « distance entre le ticket de péage et le bout des doigts tendus (ordinairement 5,3 cm)« .

Une vertiglia est un « joli vêtement qui ne sert à rien » et le verbe vertiglier signifie « jeter quelques chose qui ne sert à rien depuis toujours et en avoir justement besoin le lendemain« .

La reuchcalbonite est la « tendance à se ravitailler plutôt à la pompe suivante, avec la jaude fans le rouge » et jubjoter signifie « émerger d’un rêve sans savoir la fin et tenter d’y retourner pour la connaître« .

Quant à vruter, c’est tout simplement « ne pas pouvoir s’arrêter de manger des cacahouètes salées » (tu l’avais deviné j’en suis convaincue).

Le « renvoi d’un mot à un autre à un autre à un autre dans le dictionnaire » est un espégéca. Et le priadour, c’est la « durée d’apnée nécessaire au changement de la litière du chat« .

Quelqu’un recegit (du verbe recegir) lorsqu’il « propose du vin aux autres parce qu’il a soif lui-même » et « c’est la rambe » veut dire que le « plat est trop éloigné pour que l’on puisse se servir« .

Faire évoluer notre langage ?

Une question fondamentale se pose sur l’évolution du langage dans notre pays. Ne pourrait-on pas imaginer que d’ici un siècle (si l’on survit à décembre 2012), il soit radicalement différent ? Très appauvri probablement, car on enterre les mots à tour de bras. « C’est vachement bien, c’est génial, c’est super » sont devenus extrêmement utilisés, au détriment d’autres adjectifs équivalents qui sombrent progressivement dans l’oubli tels que « époustouflant, sublime, fabuleux, prodigieux, grandiose, sensationnel » et j’en passe.

Comment transmettre un vocabulaire riche à nos enfants si l’on ne fait pas soi-même l’effort de le varier en prononçant par exemple les synonymes cachés dans l’ombre des mots les plus courants et/ou les plus en vogue ? Par exemple « rupin » au lieu de « riche », « plantureux » au lieu de copieux », « exsangue » au lieu de « très pâle », « aiguillonner » au lieu « d’encourager », « désappointé » au lieu de « déçu », « onéreux » au lieu de « cher », etc.

Je crois aussi que l’on utilise un peu trop d’apocopes de nos jours (par exemple sympa pour sympathique, télé pour télévision, pneu pour pneumatique, etc.)

En conclusion

Il faut faire attention à ce que l’on dit en présence de nos enfants ; il nous appartient de leur donner les moyens d’enrichir et d’avoir envie de développer autant que possible leur vocabulaire ; il en va de l’avenir de la langue française si jalousement défendue par les immortels. Quel dommage qu’un individu qualifié d’érudit utilise au mieux 5000 mots sur les 60 000 à 200 000 mots (voir mon nota bene sur ce sujet) qu’elle comporte !

C’est difficile car souvent on se laisse aller à reprendre les mêmes formulations, je m’en rends bien compte moi-même lorsque je relis des billets, mais il faut prendre son courage à deux mains et cultiver la soif d’apprendre de nouveaux mots, des synonymes, des mots plus soutenus, et moins d’argot (ouhla, ça ne va plus être rigolo si je me mets à parler comme une Académicienne sur mon blog !).

Un bon moyen d’améliorer sa façon de s’exprimer, c’est évidemment la lecture, (sans omettre l’art de converser). N’hésite pas à mettre le nez dans des bouquins, en plus ça tombe bien car la rentrée littéraire 2011 s’annonce très prometteuse (j’ai déjà craqué sur 4-5 ouvrages)
Enfin, petite précision par rapport à mon titre, lorsque je parle d’acte d’amour, c’est aussi bien vis-à-vis d’autrui, de ta progéniture, que vis-à-vis de la langue de Molière.

Le débat est maintenant ouvert sur le blog dans le cadre des « Vendredis Intellos » organisés par Mme Déjantée !

Voici ce qui est écrit sur le site de l’Académie française:

La définition même de « mot » fait difficulté, ce qui vide de sens la question de la « richesse » relative du vocabulaire des diverses langues : les langues dites « agglutinantes », par exemple, peuvent créer une infinité de « mots » dont chacun équivaudrait pour nous à une phrase entière. Est-ce que j’utilise plus de « mots » si je dis melting pot ou rayon de soleil que si je dis creuset ou sunray ?
Si l’on parle de la langue française (ou anglaise), de quoi s’agit-il ? Prend-on en considération tous les domaines, toutes les époques, tous les niveaux de langue ? Il est impossible de fournir un dénombrement de l’ensemble des formes qu’offre une langue : certaines (comme dans le cas de tous les verbes que l’on peut composer avec le préfixe re-) n’ont qu’une existence virtuelle ; chaque jour, d’autres se créent ou disparaissent de l’usage. Le vocabulaire spécialisé des sciences est en constant développement : le Dictionnaire de la chimie de Duval, loin d’être exhaustif puisqu’on distingue plus de 100 000 matières colorantes, comptait déjà 26 400 entrées en 1935, mais plus de 70  000 en 1977 !
Tout ce que l’on peut dénombrer, ce sont les «entrées» constituant les nomenclatures des divers dictionnaires, les formes qu’ils enregistrent, choisies par les éditeurs selon l’idée qu’ils se font des besoins de l’utilisateur et selon des principes qui leur sont propres : une entrée générale pour une même forme ou une par sens, syntagmes composés en plus des formes simples, etc.
Fondés sur des enquêtes de fréquence, le « français fondamental » et le « français élémentaire » comptent respectivement un peu plus de 1 000 à 3 000 entrées. Les dictionnaires scolaires destinés aux élèves de 8 à 14 ans en comptent de 2 000 à 20 000, le Trésor de la langue française environ 100 000 (non compris les dérivés intégrés aux articles), les grands dictionnaires encyclopédiques environ 200 000 (y compris les noms propres).
Quant aux dictionnaires de la langue courante, qui recensent grosso modo le vocabulaire nécessaire à la conversation, à la lecture de la presse générale d’information et à celle des textes littéraires du XVIe siècle à nos jours, en y ajoutant un pourcentage variable des termes spéciaux, de formes rares, archaïques, régionales ou dialectales, ainsi que d’emprunts aux divers pays francophones ou aux langues étrangères, ils comportent environ 60 000 entrées, en français comme en anglais ou en chinois.
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  • thierrys76
    26/08/2011

    Bonjour,retour de vacances pour moi et heureux de te relire, cet article est long a lire mais passionnant, merci pour cet exercice d'écriture fort réussi, je me remet doucement dans le bain des commentaires, amitiés


  • madamezazaofmars
    26/08/2011

    J' ai tous les volumes a la maison, excellent choix


  • laetibidule
    26/08/2011

    Voilà une question à creuser qui est très intéressante, bon mes loupiots sont encore un peu jeunes pense, mais pour eux et aussi pour moi, il faudrait que je fasse plus attention à mon vocabulaire !!!
    L'année dernière, à la rentré, l'instit de petite section de Mam'zelle, nous avais dit de faire attention aux mots que nous employons car elle avait remarqué que certains enfants ne connaissais pas des mots simples, ex :
    *certains ne savais pas ce qu'était une "baignoire", car la plus part des parents de disent pas "vient te laver dans la baignoire" mais "viens prendre ton bain" et le mot "baignoire" passe à la trappe sans qu'on s'en aperçoive !!!
    Elle avait plusieurs exemple de ce type !!!
    Bonne journée !!!


  • La Fée Passie
    26/08/2011

    Là, je dois avouer que j'ai eu un moment de doute sur ton intégrité mentale ! Me voilà rassurée !!!


  • Bea de la Beabloguie
    26/08/2011

    Super billet (Non-non, pas seulement parce que le baleinié me fait mourir de rire)! Même si je dis "super", je suis une psychorigide du mot, le bon au bout moment, le mot juste qui désigne exactement ce qu'on regarde et qu'on veut nommer. Et, ces derniers temps, ma fille s'amuse à couper certaines d'entre-eux, justement… je vis limite un drame 😉 !


  • La journaliste IT Pink et Green
    26/08/2011

    Très intéressant ! J'aime les mots et j'essaie de varier, pas toujours avec succès, mais je m'y efforce :).


  • Marie
    26/08/2011

    J'apprecie beaucoup ton billet.

    Je me suis demandée ce qu'étaient ces mots au début, et finalement ça m'a bien fait rire!
    C'est vrai qu'on a tendance à employer toujours les mêmes mots, même à l'ecrit. Parfois je me relis et je m'apperçois que j'ai utilisé 3 fois le même mot sur les deux dernières lignes. Mais j'essaie de corriger au maximum!


  • Glycine blanche
    27/08/2011

    Même si le chat s'y met, on ne peut que te suivre dans cette démarche fort louable… Bon WE.


  • Michèle
    30/08/2011

    Fantastique article


  • Clem la matriochka
    31/08/2011

    J'adore ! Merci beaucoup pour la découverte de ce livre et pour ton analyse très intéressante. Je partage avec toi l'amour de la langue française !

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